N°17 - Juin 2002

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Le mot du Président

   A l’invitation du Gal BOE, j’ai accompagné nos anciens des Groupes Lourds lors de leur AGO à Grandcamp Maisy le 29 mai. Arrivé la veille, j’avais repéré les lieux; le port, l’église, le monument du souvenir des escadrons Guyenne et Tunisie sur lequel j’ai lu, à la lumière du soleil couchant « Il n’y a pas de plus grand sacrifice que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », « un sur deux périrent ».
   Le lendemain, l’arrivée de ces 45 anciens accompagnés de leur épouses, au volant de leur voiture, sur le parking de l’église m’a impressionné. Mais quand même moins que les médailles accrochées aux vestes et à cette amitié collective qui est immédiatement perceptible pour ceux, qui comme moi, sont des « extérieurs ». 
   Le repas a été pris au premier étage d’un restaurant sur le bord de mer, exactement dans l’axe de leur approche de la terre normande, un certain 6 juin 44,  il y a 58 ans. Les présents devaient avoir dans la tête les images de guerre de cette époque, cette époque qui a fait d’eux, comme le dit le Gal BOE au moment de l’apéritif :
        « héros sans le vouloir, héros sans le savoir ».
   Vous qui êtes de l’ANFAS, et de ce fait, héritiers des 219 membres actuels de l’Amicale des Groupes Lourds, en passant dans la région de Bayeux-Carentan, je vous invite à faire un détour à Grandcamp Maisy. Allez vous promener le long du bord de mer. Vous rencontrerez ce monument et vous le positionnerez dans vos mémoires. Car il nous faudra - plus tard - quand ils ne seront plus là eux aussi, mettre des fleurs et des couronnes à ce monument érigé pour les aviateurs du Guyenne et du Tunisie. Plus tard, car pour le moment, je peux vous l’assurer, ces anciens sont d’une grande vivacité et orgueilleux de leur passé. 

Jacques PENSEC.

Le Vautour B n° 634 ressuscité

   La fin de la restauration du Vautour B n° 634 a été fêtée, le 3 avril 2002, au musée de l’air et de l’espace. Il convenait de marquer l’événement car l’opération est originale et exemplaire.
   En 1997, Henri Coisne, premier commandant de l’EB 2/92 « Aquitaine », a su convaincre le général Siffre, directeur du musée de l’air, d’entreprendre la remise en état de cet avion. Il lui propose alors:

 

      - un apport de main d’œuvre extérieure, environ 8 000 heures de travail par de jeunes mécaniciens sortant d’école qui se perfectionneront à l’occasion de la restauration
      - l’intervention de l’association des amis du musée de l’air qui prendra à sa charge l’embauche et l’administration des personnels ci-dessus
      - enfin l’association « Les Anciens de l’EB 2/92 », créée à cette occasion, appuiera l’opération et en suivra le déroulement.
Arguments forts quand on connaît les besoins du musée de l’air face à l’ampleur des tâches à accomplir.
   La remise en état du 634 va se dérouler sur quatre ans avec dynamisme et enthousiasme de la part de toutes les parties prenantes.
   Le 3 avril 2002, 150 amis du Vautour se sont retrouvés autour d’un 634 en pleine santé après 23 000 heures de soins intensifs dont 30 % apportées par des anciens de l’EB 2/92.
   Ce n’est pas la fin d’une belle histoire.
   L’association « Les Anciens de l’EB 2/92 » poursuit maintenant sa route avec un nouvel objectif, la restauration d’un B 26 Invader.
Tous ceux qui ont connu et aimé cet avion y seront les bienvenus.

Antoine DUMAS
Président association 
« Les Anciens de l’EB 2/92 »


 
Stage B58 aux États Unis

     Dans le courant de l’année 1963, quatre binômes pilote-navigateur furent désignés pour suivre un stage d’information sur B 58 aux USA. Trois provenaient du commandement de l’aviation stratégiques ( CAS ) installé aux Petites Ecuries à Versailles. Le quatrième était composé de votre serviteur, pilote, à l’époque capitaine et du capitaine SENEGAS, navigateur.
     Tous les deux, sous la direction du commandant JEANJEAN, nous appartenions à l’équipe de marque Mirage IV, lequel Mirage IV n’avait pas encore rejoint le CEAM à Mont-de-Marsan. A ce titre, il nous importait de ramener de notre détachement outre-atlantique le maximum de renseignements d’ordre technique 


et opérationnel susceptibles d’être transposés par la suite à l’utilisation des Mirage IV, notamment aux procédures de ravitaillement en vol. 

     Nous embarquâmes à la mi-mai pour rejoindre Fort-Worth ( Texas ), à une soixantaine de miles plein ouest de Dallas, via New-York et après une brève escale à Washington, pour y rencontrer l’adjoint de l’attaché militaire et de défense près l’ambassadeur de France. 
     Arrivés à destination un dimanche après-midi dans cette agglomération très étendue de 500 000 habitants, nous avons tout de suite compris que la première urgence était l’acquisition d’une voiture pour nous déplacer, d’autant qu’il n’était pas convenu que nous logions sur la base aérienne. 
     Moins d’une demi-heure après avoir pénétré chez le premier vendeur de « USED CARS » venu, nous en sommes ressortis au volant d’une grosse voiture à boite de vitesse automatique, délestés de 400$. Le lendemain, il ne nous fallut guère plus de temps pour nous loger dans un trois pièces meublé tout à fait convenable où, totalement immergés dans la population texane, nous fîmes la découverte de l’Américan Way of life avec ses drugstores, ses snacks, ses coffee shops et autres dry cleaning ouverts 24h/24h.

     La base aérienne de Carswell jouxte Fort-Worth, en bordure d’un grand lac tout proche de l’extrémité de piste. A l’époque, elle accueillait deux escadres du Strategic Air Command ( SAC ), l’une de B 52H, l’autre de B 58, représentant au total 80 appareils environ. Les B 58 stationnaient sous des toits en V inversés recouverts d’ardoises et reposant sur des piliers en bois qui donnaient au Tarmac l’aspect d’un alignement de chalets. Cette protection apportant une certaine efficacité contre les rayons du soleil, implacable au Texas en été, mais en aucune façon contre une agression aérienne quelconque. B 58 et B 52 étaient regroupés dans « la restricted area ». 
     Dans la zone vie, très vaste, des emplacements prioritaires étaient réservés aux voitures bleues à gyrophare des équipages d’alerte ( vraisemblablement à 15 minutes ) : devant le mess, la poste, la chapelle, le dry cleaning, les banques, etc….De l’autre coté de la piste s’étalait, et s’étale sans doute encore aujourd’hui, sur 3 kms de longueur, l’usine de General Dynamic où étaient montés et réceptionnés les B58.
     Le Convair B 58A Hustler, qui fut le premier bombardier supersonique, est entré en service opérationnel en 1961. 116 appareils ont été construits dont deux prototypes et 28 de présérie qui seront reconvertis en « trainer » à double commande pour 9 d’entre eux et en B 58A de série pour le reste. 
     C’est un quadriréacteur à taille de guèpe très prononcée et à aile delta dont la structure ( ailes et fuselage ) en nid d’abeilles mêlant aluminium et fibre de verre, pour un meilleur confort thermique, ne résiste pas à la pression d’un talon aiguille ( il est limité à 115°C de température de peau et à 2,5g ). Il pèse 73 tonnes à pleine charge pour une longueur de 29 mètres, une envergure de 17 mètres et une hauteur de 9 mètres. Chaque réacteur GE J 79 délivre 6,8 tonnes de poussée avec post-combustion. Il couvre plus de 4400 miles sans ravitaillement et atteint un plafond de 65 000 pieds, le tout pour 12 440 000 de $. Sous le fuselage, un pod 

proéminent à deux compartiments peut emporter 4 armes nucléaires MK 43.

     Le B 58 est servi par un équipage à trois disposé en tandem : un pilote, un navigateur et un ingénieur contre-mesures électroniques. 
     Le système de navigation repose sur le couplage Doppler-centrale à inertie et le radio altimètre. Les contre-mesures utilisent des moyens de brouillage et de déception et aussi des leurres ( chaffs ) auxquels s’ajoute un canon à barillet de 20 mm situé dans une tourelle arrière.

     Parmi les équipements qui ont retenu notre attention : un poste HF de 5 000 km de portée très compact, l’apparition d’un plot sur le radar de bord permettant la localisation et l’identification de l’avion ravitailleur ( ces deux équipements seront montés en rattrapage sur le Mirage IV ), une check-list défilant sur écran et relayée par les écouteurs en cas d’incident et les trois capsules éjectables. 
En cas d’éjection, chaque membre d’équipage se retrouve claustré derrière un rideau métallique articulé en trois panneaux, dont un avec vue sur l’extérieur, dans un ensemble doté d’une pressurisation et d’une source d’oxygène autonome. Ensuite le parachute se déploie et en cas d’amerrissage, la capsule flotte et dispose même de stabilisateurs. Ce mode d’éjection a été conçu pour augmenter les chances de survie des équipages en cas d’abandon de l’appareil a très haute altitude et en haut supersonique. Il me fut raconté qu’un pilote qui chaussait grand eut les orteils de ses deux pieds sectionnés par l’abaissement brutal du rideau de sa capsule au moment de son éjection. Magnanime, le SAC l’a reclassé, malgré son handicap, comme ingénieur contre-mesures au sein de son escadron.
     Notre stage d’information était en réalité un stage de transformation pour équipages affectés en unités de B 58 et auxquels nous étions raccrochés. Il se partageait en cours au sol d’une durée de deux mois, de nombreuses séances au simulateur et de vols d’accoutumance et d’entraînement. Seule la première partie, qui se déroulait en zone vie, nous concernait.

………….Suite au N° 18……..

Général Yvon LE COZ

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Voir aussi le site: http://216.219.216.110/convair/b58.html