En rendant hommage au Colonel Pierre-Henri Clostermann, c'est la mémoire
de l'As des As et du pilote de légende, que nous saluons aujourd'hui ;
cinq années de sa vie, façonnées d'air et de feux, consacrées à défendre
ce qu'il reconnaissait comme essentiel : la liberté.
Mais certaines existences sont mieux remplies que d'autres et bien que
définitivement ancrées dans nos mémoires, ces quelques années ne sauraient
à elles seules résumer toute sa vie. C'est pourquoi aujourd'hui nous
saluons aussi l'homme de lettres de renommée internationale, le député élu
de la République et le dirigeant d'entreprises.
Fils de diplomate, c'est sous le ciel brésilien à Curitiba que
Pierre-Henri Clostermann voit le jour le 28 février 1921. Après ses études
secondaires à Paris, titulaire du baccalauréat, il revient à Rio. Sur
place, il se passionne déjà pour l'aviation et obtient son brevet de
pilote le 27 novembre 1937.
Etudiant aux Etats-Unis lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, sa
demande d'engagement est rejetée par le consul de France. Il se consacre
alors à ses études d'ingénieur en aéronautique et à la réussite de sa
licence de pilote professionnel. C'est dans la presse américaine qu'il
découvre l'appel du Général de Gaulle. Refusant d'admettre la défaite de
la France et en accord avec son père, il rejoint Londres et les Forces
Aériennes Françaises Libres le 18 mars 1942.
Après une formation trop longue à son goût, aux commandes des « Spitfire »
de la Royale Air Force, les choses sérieuses commencent enfin. Il reçoit
son affectation à l'escadrille « Mulhouse » du Groupe de chasse « Alsace
», le Squadron 341 « Free French », en janvier 1943. Dès lors, il affirme
sans jamais faillir son courage et sa détermination aux côtés de ces fils
de France capables un jour de faire pour leur pays le plus grand des
sacrifices, celui de leur vie. Ainsi, il participe à l'offensive au-dessus
des territoires occupés et obtient sa première citation à l'ordre de
l'Armée aérienne en abattant deux Focke Wulf 190 (FW 190) au cours d'un
même combat le 27 juillet 1943. Les missions se succèdent la peur au
ventre et les victoires s'accumulent.
De juin 1943 au début de l'année 45, nommé sous-lieutenant, il accomplit
plus de 200 missions offensives et de bombardement et décroche sa 8eme
victoire aérienne. Pour sa bravoure et sa valeur exceptionnelle, il reçoit
la plus haute distinction britannique, la « Distinguished Flying Cross »,
le 7 août 1944.
Le 2 mars 1945, il prend le commandement d'une escadrille du Squadron 274
équipée d'avion « Tempest ». Blessé par balle au cours d'un combat, il
parvient à regagner sa base. En récompense de ses états de service et de
son engagement, il est nommé commandant du 3eme groupe du Squadron 56.
Comme pour justifier l'honneur qui vient de lui être fait, ce jeune homme
de vingt-quatre ans multiplie les missions et ajoute 5 nouvelles
victoires.
Officier pilote de chasse, incarnant les plus belles traditions de
patriotisme, dont l'action au combat méritera toujours d'être citée en
exemple, il termine cette prestigieuse campagne avec le grade de
capitaine, totalisant plus de 2000 heures de vol dont 600 de guerre, et un
palmarès exceptionnel : 33 victoires aériennes et 17 citations à l'ordre
de l'Armée aérienne.
Mais là, ne s'arrête pas sa formidable épopée. Revenu à la vie civile, il
exerce son métier d'ingénieur à Paris et entame simultanément une carrière
d'auteur en publiant ses souvenirs de guerre, Le Grand Cirque, en 1948. Un
succès international, au travers duquel il a su communiquer sa passion du
vol à plusieurs générations de pilotes. A cette époque débute son amitié
avec Ernest Hemingway avec qui il partage son goût pour l'écriture et la
pêche.
Homme infatigable aux multiples facettes, il s'engage dans la vie
politique au côté du général de Gaulle ; d'abord député du Bas-Rhin en
1946, de la Marne en 1951, puis en janvier 1956 du département de la
Seine.
Mais, les événements en Algérie et son désir d'action le conduisent à
accepter son rappel dans l'Armée de l'air. Pilote sur Broussard MH1521, il
assure 116 missions d'observation et de guidage de l'aviation de chasse
qu'il décrit dans Appui-feu sur l'Oued Hallaïl.
De retour en France, il retrouve son siège au Palais Bourbon jusqu'en
1958. Député de Seine-et-Oise en 1962 et des Yvelines en 1967,
vice-président de la Commission de la Défense nationale et des Forces
armées de l'Assemblée nationale à partir de 1963, il quitte ses fonctions
en 1969.
Après les combats et la politique, il s'investit et brille dans
l'industrie aéronautique ; président directeur général de « Reims-aviation
», vice-président de « Cessna » aux Etats-Unis, et administrateur des
sociétés Renault et Avions Marcel Dassault. Si d'une main, il dirige des
entreprises, de l'autre, il continue de manier la plume avec succès et ses
œuvres sont le récit vibrant de son engagement contre tous les
totalitarismes.
Madame, il a trouvé auprès de vous, de ses enfants et petits enfants la
force de lutter avec courage comme il l'a toujours fait en refusant
l'adversité. Retiré à Montesquieu-des-Albères, dans les Pyrénées
orientales non loin de Perpignan, il était toujours soutenu, entouré de
ses souvenirs et trophées glanés au fil d'une vie assurément pas comme les
autres.
Honoré des plus hautes distinctions : Grand Croix de la Légion d'honneur,
Compagnon de la libération, médaillé militaire, médaillé de la résistance
avec rosette, décoré de la Distinguished Flying Cross, le Colonel
Pierre-Henri Clostermann nous a quitté le 22 mars 2006, pour son dernier
vol.
La France perd aujourd'hui un de ses plus fervents défenseurs, un homme de
fidélité et d'engagement qui n'a jamais cessé de se dévouer à son pays et
à ses compatriotes.
Saluons-le.
Eloge funèbre prononcé par le général d'armée aérienne Patrick THOUVEREZ,
Inspecteur général des armées air, le 27 mars 2006 à la cathédrale
Saint-Louis des Invalides.
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